Le blog de Daniel Zaugg

constituante

La constituante veut redéfinir la majorité à 70% !!

C´est en tout cas l´effet de l´une des propositions de la commission des droits politiques de la constituante : « La commission souhaite que de nouvelles formes de référendums soient créées: au Grand Conseil, une minorité de trente élus pourrait mettre en cause une décision votée par la majorité » (Le Temps, 9 mars 2010)

Cela revient à dire que n´importe quelle minorité (libéraux-radicaux 31 voix, socialistes-verts 32 voix, MCG-socialistes 32 voix, etc…) pourra déclencher un référendum !

On en arrivera immanquablement à l´une des deux configurations suivantes :

  • Tout groupe qui perdra un vote, à moins qu´il ne soit extrêmement minoritaire, tentera de sauver sa proposition en la soumettant peuple. Si cette situation devait se produire :
    • chaque dimanche de fin de mois sera un dimanche de votations avec cinq ou six objets à l´ordre du jour.
    • les coûts des envois et de la préparation des argumentaires de vote exploseront de manière phénoménale.
  • L´autre configuration, qui a pour improbable prémisse que l´ensemble de la classe politique se montre raisonnable, impliquerait que le Grand Conseil, pour éviter de se retrouver dans le premier cas de figure, ne vote plus que des objets largement consensuels à une majorité de plus de 70% ! L´immobilisme absolu !

Je vous en conjure, Mesdames et Messieurs les constituants ,

Ne tuez pas la démocratie !

L´idée de conférer au Grand Conseil la possibilité de soumettre une loi au vote populaire n´est pas nouvelle, ni même mauvaise : certaines décisions importantes, comme par exemple la récente votation sur le CEVA, le méritent largement.

Cependant, il n´en va pas de même de la plupart des décisions prises par les députés.

Non pas, et j´entends venir les populistes, parce que le peuple n´est pas assez sage pour les prendre, mais tout simplement parce qu´il n´a pas le temps de les traiter d´une façon aussi exhaustive que le font les élus.

Petit rappel des fondements de notre démocratie représentative : le peuple élit des députés auxquels il délègue la tâche d´expédier les affaires courantes en matière législative.

Pour chaque projet de loi ces élus vont :

  • effectuer des auditions pour prendre connaissance des tenants et aboutissants de la proposition
  • délibérer en commission et éventuellement amender le projet
  • présenter le résultat de ces délibérations en plénière
  • … et finalement voter ou refuser le projet

Ce processus, qui peut prendre des semaines ou des mois, représente un investissement en temps considérable, largement incompatible avec une vie active normale.

Pour les cas ou une importante frange de la population estime que les élus n´ont pas pris les bonnes décisions il reste la solution de l´initiative populaire ou du référendum.

La consultation du souverain doit rester l´exception et se cantonner aux sujets importants ou très controversés.

Notre système de démocratie directe n´est pas parfait, il est d´ailleurs souvent qualifié de « meilleur des mauvais systèmes », mais en déléguant la plus grande partie des décisions législatives aux élus, il évite la saturation et le ras-le-bol inévitables que ne tarderait pas à ressentir le souverain s´il devait se prononcer sur chacun des centaines de sujets qui sont à l´ordre du jour du Grand Conseil.

Si la barre pour proposer un objet en référendum était fixée à 60 ou à 70 députés, forçant ainsi les élus à rechercher un consensus plus large que le clivage gauche-droite traditionnel, je souscrirais des deux mains.

Les députés reçoivent facilement ½ kg de documentation par mois…voulons-nous imposer cela aux citoyens ? Et qu´en est-il des coûts d´envoi et de préparation ?

A bon entendeur…

Abonnez-vous à ce site
Pour recevoir un email lors de chaque nouvel article cliquez ici
Archives