Mobilité douce
Les « autorités » peuvent-elles choisir pour nous notre mobilité ?
Notre conseiller d’état en charge des transports, l’éminent docteur ès sciences EPFL Serge dal Busco, nous propose un raisonnement d’une rigueur toute cartésienne:
COVID-19 = baisse de fréquentation des transports publics
=> les gens vont se rabattre sur leurs voitures
=> il faut créer des autoroutes cyclables !
La logique implacable de cette équation, m’amène à une conclusion :
Argumentation politique ≠ démarche scientifique !
Une réponse plus logique aurait été d’autoriser provisoirement les voitures à circuler sur les voies de bus pour fluidifier la circulation, bien que j’imagine d’ici la levée de boucliers…
La création d’un réseau cyclable sécurisé est un voeu de la population genevoise, consacré à la fois dans l’IN 144 et dans la « Loi pour une mobilité cohérente et équilibrée (LMCE)».
Entre 2015 et 2016, en tant que président de la commission des transports puis comme président de la sous-commission qui a élaboré la LMCE, je me suis battu pour faire émerger un accord réunissant tous les acteurs de la mobilité. Cette loi, combattue par les extrémistes des deux bords, a été acceptée par plus de 67 % des votants, ce qui est la marque d’un bon compromis.
L’esprit de cette loi est de répondre aux besoins réels de la population et non d’imposer la vision de la mobilité de telle ou telle faction au pouvoir. Pour ce faire, elle s’appuie sur une séries de mesures coordonnées qui doivent permettre à l’ensemble des modes de transports de coexister pacifiquement.
Elle dit que dans l’hypercentre la priorité en matière de gestion du trafic et d’aménagement des réseaux est donnée à la mobilité douce et aux transports publics. Cependant, afin de préserver la fluidité du trafic automobile, elle précise également que la moyenne ceinture, dont fait partie le « U lacustre », est exclue de ce régime de priorités dans l’attente d’un bouclement autoroutier par une traversée du lac.
Depuis son arrivée au pouvoir, Serge dal Busco a appliqué uniquement les aspects de cette loi qui correspondent à ses propres inclinations écologistes, niant complètement l’aspect « cohérent et équilibré » qui faisait toute la force du compromis.
En prétextant du COVID-19 pour instaurer à la hussarde des « mesures d’urgences » qu’il entend bien pérenniser en violation crasse de la LMCE, Serge dal Busco a rallumé une guerre des transports que l’on espérait dépassée.
Ce qui est détestable dans cette approche, c’est qu’elle ne répond pas à un besoin. La ville n’est pas envahie de gens qui, à défaut de transports publics, ont sorti leur vélos. C’est bien le trafic automobile qui a augmenté.
Le report modal sur le vélo, c’est ce qu’espère le conseiller d’état, et, d’une manière perverse, il entend bien nous l’imposer en utilisant les aménagements cyclables pour empêcher les voitures de circuler.
On aurait pu attendre de Serge dal Busco, ingénieur et ex-entrepreneur, une approche moins partiale, surtout en cette période critique pour l’économie. Peut-être que sa méthode du fait accompli obtiendra à terme le résultat escompté, mais le moment est sacrément mal choisi !
Dans l’intervalle, les autoroutes cyclables sont vides et les files de voitures s’allongent, étranglant encore un peu plus une économie fragilisée qui, pour sa reprise, espérait au moins pouvoir s’appuyer sur une circulation fluide des biens et des personnes à l’intérieur du territoire.
Les PME, pourvoyeuses d’emploi et forces vives de notre économie, ne vous remercient pas M. Dal Busco !
L’IN 154 : un pas en arrière pour la mobilité douce !?
Les acquis des cyclistes remis en question par une autre initiative mal ficelée
Hier j’ai été contacté par une journaliste de la NZZ qui voulait mon avis sur la dernière Genferei :
L’IN154 « Pour des transports publics plus rapides ».
En tant qu’artisan du contreprojet je ne suis certes pas en faveur de cette initiative, mais de là à la taxer de Genferei…
J’ai donc demandé à la journaliste de m’expliquer ce qu’elle entendait par là.
« Selon ses contacts téléphoniques avec les autorités, m’a-t-elle répondu, une application stricte de l’initiative, qui demande une priorité absolue pour les transports publics sur l’ensemble du canton, résulterait en une interdiction de circuler sur les voies de bus pour tous les autres modes de transports, ce qui inclut les vélos ! ».
Effarant !
Ce n’était certainement pas l’intention des initiants, Verts et défenseurs du vélo. Il est vrai cependant que lorsque l’on inscrit un texte dans la constitution il est de bon ton d’en vérifier les conséquences.
On a vu le résultat quand les initiants ne le font pas, comme l’AVIVO avec son initiative pour une baisse des tarifs TPG qui résulte, in fine, en une baisse de prestation des transports publics !
Un argument de plus en faveur du contreprojet, la « Loi pour une mobilité cohérente et équilibrée » qui ne souffre pas du même défaut.
Rappel du texte de l’IN 154 :
Art. 190, al. 5 (nouveau)
Il (le Conseil d’Etat) aménage le réseau et règle la circulation routière pour donner la priorité aux transports publics.
Le texte correspondant dans le contreprojet :
Art. 7, al. 2
En zone I et II (le centre et l’hypercentre), la priorité en matière de gestion du trafic et d’aménagement des réseaux est donnée à la mobilité douce et aux transports publics.
A bon entendeur!
La mobilité genevoise est arrivée à un tournant…
Le constat est simple : enlisés dans une politique des transports du siècle passé, les Genevois souffrent au quotidien dans les bouchons, le bruit et la pollution.
De par son rayonnement de ville internationale, son insolente prospérité et son haut niveau de vie, Genève constitue un pôle d’attraction dont les effets s’étendent largement au-delà des frontières cantonales. Tous les jours, ce n’est pas moins de 550’000 personnes qui traversent les frontières cantonales dans les deux sens (y compris avec le canton de Vaud).
Nos infrastructures de transports ne sont tout simplement plus adaptées pour absorber ce flux.
Pourquoi ne les transformons-nous pas ?
Parce que, depuis de nombreuses années le canton de Genève est englué dans une guerre des transports impitoyable que se livrent deux camps : d’un côté les tenants de la mobilité douce et des transports collectifs et de l’autre les amoureux de la liberté individuelle, défenseurs de la voiture, des motos et autres scooters.
Les adversaires sont tellement campés sur leurs positions que chaque projet, qu’il soit de développement routier ou en faveur des transports publics est âprement contesté par le camp opposé. Evidemment, quelques projets passent tout de même la rampe (CEVA, lignes de tram, traversée de Vésenaz,..) mais c’est au gré de majorités fluctuantes souvent dictées par des intérêts divergents.
Le résultat ? Une politique des transports menée sans aucune vue d’ensemble.
La démonstration la plus récente? Une initiative des Verts visant à donner une priorité absolue au TPG sur l’ensemble du canton!
Cette proposition qui tente de résoudre un problème réel, la faible vitesse commerciale des transports publics, souffre du même défaut que d’autres avant elle:
Elle ne s’intéresse qu’à un pan de la mobilité au détriment de tous les autres!
Aujourd’hui, certaines réalités sont indéniables :
- Le mythe de l’accessibilité partout en voiture a vécu
- Pour de nombreux professionnels cependant, la mobilité individuelle reste indispensable
- Les transports publics et la mobilité douce sont des alternatives viables et à développer
- D’un autre coté, pour une grande majorité de pendulaires, en provenance de régions périphériques mal desservies par les transports publics, la voiture est la seule solution
C’est partant de ce constat et suite à l’initiative des Verts que le Grand Conseil a décidé de créer une sous-commission ad-hoc pour élaborer un contreprojet qui, pour une fois, tenterait de prendre en compte tous les aspects de la mobilité: voitures, deux-roues (motorisés ou non), transports publics, piétons.
Ce qui est unique et original dans cette démarche c’est que tous les participants (1 membre par parti) ont accepté de mettre de côté leurs différences pour partir de ce qu’ils veulent et non de ce qu’ils ne veulent pas.
Du simple bon sens ? Oui, mais la démarche est aux antipodes du processus parlementaire habituel: Normalement les commissions sont saisies d’un projet de loi qu’elles analysent, qu’elles décortiquent, qu’elles détricotent pour finalement l’amender, l’adoucir ou le renforcer légèrement. Le résultat du processus se résume trop souvent au plus petit dénominateur commun!
En lieu et place de ce processus destructif, il s’agit cette fois de construire quelque chose.
Chacun y amènera ses briques, le défi sera de trouver le ciment…
C’est arrivé près de chez vous
Une rue est fermée à la circulation à deux pas de votre immeuble !
Le bonheur, pensez-vous …
A vous les promenades dans un environnement préservé du bruit et de la pollution!
Votre enthousiasme risque cependant d’être de courte durée, car le besoin de mobilité n’a pas diminué pour autant. La circulation a simplement été concentrée sur un nombre d’accès plus restreint.
Dont votre rue.
Pas de chance, n’est-ce pas ? A vous les joies du report de trafic, de la voiture qui tourne en boucle à la recherche du Graal de l’automobiliste : une place de stationnement, toujours plus rare.
Le projet de fermetures de 50 rues ne se base sur aucune vision d’ensemble.
Résultat : si votre rue n’est pas concernée, elle subira de plein fouet le report de nuisance.
Etes-vous prêts à payer le prix fort pour que quelques privilégiés – dont des élus bien placés – puissent se décharger des nuisances inhérentes à la ville sur le dos des autres ?
Si la réponse est non, rejetez le projet de fermeture de 50 rues.
Mobilité douce, qui a vraiment gagné ?
La carte des résultats le montre : géopolitiquement il s’agit d’une victoire du centre sur la périphérie, ce que laissait d’ailleurs présager le titre de la bien nommée « Initiative des villes »
Au regard de cette carte, l’analyse est simple : dans un périmètre d’environ 4 km autour de l’hypercentre, l’argument de la sécurité des cyclistes a été décisif pour une population bien desservie par les transports publics, voire elle-même adepte de la mobilité douce.
Dans la périphérie, où la population est soumise quotidiennement à la nécessité de rejoindre le centre pour se rendre à son travail, la crainte de restrictions supplémentaires à la circulation a massivement prévalu.
La moitié des citoyens (à 3‰ près) qui a répondu non aujourd’hui est-elle pour autant opposée à la mobilité douce ?
Je ne le pense pas.
Elle a cependant exprimé une crainte très claire face à un texte mal ficelé qui, s’il est appliqué à la lettre entraînera l’ouverture dans un délai très court de nombreux chantiers qui risquent fort de dégrader une situation déjà intenable aujourd’hui, que ce soit pour le transport professionnel ou pour les déplacements individuels.
S’il est vrai qu’il est important d’offrir aux cyclistes des conditions de sécurité optimales, n’oublions pas pour autant que cette forme de mobilité ne représente que 5% de la mobilité globale du canton.
Il serait irresponsable de bloquer complètement Genève pour s’en tenir à la lettre de la loi.
Il en va de l’attractivité et de la prospérité de notre région !